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 La nuit de Sala

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Sora
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   Posté le 22-11-2006 à 18:03:29   Voir le profil de Sora (Offline)   Répondre à ce message   http://entrelumieretenebre.alloforum.com/   Envoyer un message privé à Sora   

Pour Françoise Pirart, la fiction est un miroir sans tain qu’elle ne cesse d’interroger pour retrouver les lignes de sa véritable personnalité.

Le souffle qui l’anime est impressionnant. L’auteur de «La fortune des Sans Avoir» et de «La nuit de Sala» (parmi ses nombreux livres publiés) «tient la distance», aussi prompte à tracer des figures qu’à dénouer les écheveaux d’une intrigue. Son imaginaire est peuplé de situations où la fiction et la réalité s’enchevêtrent, où les premier et second degrés caracolent au fil du récit.

Les accents réalistes d’une telle écriture sont évidents et rendent avec bonheur la nuance d’un caractère ou le détail d’un paysage. On est ici dans un monde habité où les rôles sont distribués, un univers qui offre au lecteur des itinéraires précis et des trompe-l’œil qui sont autant de carrefours significatifs. Mais si la logique narrative émerge, si l’exactitude des faits rejoint celle des personnages, l’œuvre de Françoise Pirart ne pourrait se réclamer d’une esthétique «réaliste». Il y a, dans ses livres, un frémissement de l’écriture qui ouvre presque systématiquement à la liberté et à la fantaisie.

Analyste pertinente des «âges ingrats» de l’existence, la romancière bouleverse son lecteur quand elle parle de l’adolescence («Le rêve est une seconde vie»). S’il y a une logique d’intention, une cohérence de ton dans l’œuvre de Françoise Pirart, c’est paradoxalement dans la notion de temps qu’on peut les trouver : le temps qui est la charpente, le paraphe d’une personnalité littéraire forte et fragile à la fois.

Chez Françoise Pirart, le récit s’accroche au temps qui passe – le Moyen Âge dans «La fortune des Sans Avoir», le futur dans «Le décret du 2 mars» – ou à des scories du passé qui ramènent de vieux démons. De l’enfance à l’âge adulte, le temps tire de drôles de chahuts! N’est-ce pas le temps d’opposition qui fulmine dans «Les uns avec leur amour, les autres avec leur haine»? N’est-ce pas le temps qui fait saigner les vieilles plaies, comme dans «La Grinche»?

Avec gravité ou ironie, Françoise Pirart, fidèle à son indépendance de créatrice, joue à tous les claviers, créant un orchestre de moyens mis à la disposition de son humeur, de son désir de plaire, de son besoin de surprendre. Habile à se faufiler dans des atmosphères différentes, l’écrivain excelle également dans le texte court («L’oreiller»), même si le souffle ne lui manque pas et si elle est capable de se conformer à une logique narrative de longue durée.

Son écriture révèle un imaginaire à large spectre, une curiosité bien réelle qui l’incitent à se glisser dans des situations étrangères avec une incontestable rigueur d’analyse. De telles qualités ne sont pas fortuites et se retrouvent dans nombreux de ses romans.

Ses personnages sont souvent blessés, et leur psychologie est finement traitée. On s’attache à eux, nécessairement. On se souviendra longtemps du personnage de Blanche, à la limite de la démence, dans «La nuit de Sala». Mais s’il faut d’emblée prendre ses distances avec les personnages et ne pas voir en eux une simple reproduction de l’écrivain, il faut souligner cependant les thèmes récurrents qui apparaissent dans les différentes périodes d’écriture.

La romancière est sensible aux dérives de la vie sociale, qu’elles touchent à la justice, aux hasards de l’existence, aux blessures de sensibilité vive. On sent présentes les questions portant sur la répartition des chances de chaque être humain, sur le peu de distance qui sépare la folie de la raison, sur la difficulté de grandir, de vivre parmi les autres et de préserver la part du secret, de l’enchantement et de l’évasion sans laquelle tout équilibre de vie peut être rompu. On ne peut tracer le destin des autres (et à plus forte raison, de personnages imaginaires) sans «faire l’éponge » et lire dans la main des plus démunis et des moins bavards.


Message édité le 22-11-2006 à 18:10:22 par Sora


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   Posté le 22-11-2006 à 18:04:00   Voir le profil de Sora (Offline)   Répondre à ce message   http://entrelumieretenebre.alloforum.com/   Envoyer un message privé à Sora   

La personnalité complexe de l’écrivain se révèle entre force et faiblesse, tendresse et sarcasme, grandeur et petitesse. Il y a, dans notre monde, la tyrannie, la bêtise, l’intolérance, la fatalité. Voilà qui génère, chez Françoise Pirart, des attitudes de recul ou de franche opposition; voilà qui alimente une réflexion de fond sur la légitimité de l’espèce humaine.


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   Posté le 22-11-2006 à 18:04:45   Voir le profil de Sora (Offline)   Répondre à ce message   http://entrelumieretenebre.alloforum.com/   Envoyer un message privé à Sora   

La personnalité complexe de l’écrivain se révèle entre force et faiblesse, tendresse et sarcasme, grandeur et petitesse. Il y a, dans notre monde, la tyrannie, la bêtise, l’intolérance, la fatalité. Voilà qui génère, chez Françoise Pirart, des attitudes de recul ou de franche opposition; voilà qui alimente une réflexion de fond sur la légitimité de l’espèce humaine.







L'amour à mort
par Michel Zumkir
Le Carnet et les Instants n° 142

À écrire (à faire dire à un de ses personnages) : «A quoi ça sert, un livre qui ne vous prend pas le cœur, qui ne vous parle pas comme le ferait un bon ami?», Françoise Pirart ose risquer d'être moquée, ce qui arriverait si son roman n'était pas à la hauteur de la question (rhétorique). À chaque lecteur de se faire une idée pour ce nouveau livre, moins volumineux, moins picaresque que le précédent , le premier qu'elle publie chez un éditeur français, mais pour ma part, je peux dire qu'elle est parvenue à me faire perdre ma place de lecteur professionnel (la moitié du métier de critique; l'autre étant d'écrire à propos de/à partir de), et de me redonner celle qu'on ne cesse de rechercher, qu'on ne retrouve presque plus jamais quand on a cette fonction-là, celle du lecteur amateur (au sens noble du terme) qui éprouve plus qu'il n'analyse, qui ne met pas en branle, dès le livre entre les mains, la boîte à outils théoriques qui met le texte à distance et permet d'en dégager les sens, la poétique, les enjeux et je ne sais quoi encore. Parce que oui, dans La Nuit de Sala on entend des voix qui nous parlent tout doucement, amicalement. Celles des personnages qui ont connu les protagonistes de ce fait divers, celle du médecin qui a réalisé l'autopsie, celle du meurtrier aussi. Avec cette technique du roman polyphonique, Françoise Pirart varie les distances, multiplie les anecdotes, les sentiments, rend compte de la complexité des relations. On connaîtra autant la victime (Blanche, bourgeoise, promise au meilleur avenir, mais trop fissurée pour cela) que son assassin (Carl, garagiste, qui avait mis le plus de distance possible entre lui et elle – elle était revenue à la charge), que celui qui a été injustement soupçonné (Elizan, le coupable tout désigné, une sorte d'idiot du village, «un bébé vieillard»). On découvrira un village de Sicile aride avec ses croyances archaïques, une Belgique où l'affaire Dutroux s'est inscrite dans la mémoire collective.

Quand le roman commence, le crime appartient déjà au passé (il a eu lieu vingt-sept ans auparavant); un avocat est en train de quitter son bureau pour partir à la retraite, une feuille s'échappe d'un dossier – celui de ce crime passionnel, par noyade, en Sicile. Et les souvenirs de refaire surface. Mais comme on l'a compris, ce ne sont pas les propos de cet homme de loi l'on va lire, même si lui, comme les autres (ceux qui vont prendre la parole), est encore hanté par cette histoire où la lutte des classes s'inscrit, s'invite jusque dans les relations amoureuses, où la passion continue ses ravages, des ravages nés du même ventre que la littérature.


Message édité le 22-11-2006 à 18:12:02 par Sora


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